Compartir el post "Élections départamentales en France – Vote sanction pour le Parti Socialiste au gouvernement, victoire de l’UMP, et persistance du Front National."
L’article qui suit a été écrit quelques jours après le premier tour des éléctions départemantales. Nous avons décidé de laisser inchangé du fait que, comme c’était prévu et comme nous l’avions rémarqué, le deuxième tour n’ pas donne lieu à des surprises. En effet, celui-ci a confirmé les tendances que le premier tour permettait déjà d’envisager : une claire victoire de l’UMP, un fort recul du PS et une élection importante mais avec des limites du FN. En effet, c’est peut être le résultat de celui-ci qu’il faut souligner par rapport au premier tour : comme nous le disions, du fait du système électoral français, le FN n’a obtenu, malgré un score élévé, que 62 conseilleirs départamentaux. Il s’agit d’une élection historique pour ce parti, qui ne comptait parmi ses rangs qu’un seul conseilleir régional avant ces élections, mais très faible par rapport aux 4000 élus sur tout le territoire.
Le pari principal du monde du travail et de la gauche reste, comme nous l’avions signalé, de contester la politique du gouvernement dans la rue. C’est dans ce sens que la préparation de la journée de grève et de mobilisation du 9 Avril doit constituer un point central de la politique de la gauche révolutionnaire.
Le dimanche 22 de mars a eu lieu le premier tour des départementales en France. Dans celles-ci sont élus, par un système majoritaire binomial a deux tours, les conseillers départamentaux de chaque canton. C’est-à-dire, chaque parti a deux candidats, si aucun des binômes n’obtient la majorité absolue, tout ceux qui ont obtenu au moins 12,5 % des électeurs inscrits (pas des votes) arrive au second tour, dans lequel le binôme qui obtient la majorité de votes est élu. Les conseillers ainsi élus constituent le Conseil Départemental, qui élit à son tour le Président de chacun des 101 départements de France.
Plusieurs éléments se jouaient dans cette élection. Tout d’abord, quel serait le résultat du gouvernement et l’amplitude du vote sanction contre lui. Deuxièmement, le rôle de l’UMP, principal parti de l’opposition que le président Sarkozy dirige à nouveau, pour lequel ces élections ont constitué la première épreuve du feu en vue des présidentielles. Enfin, le résultat du FN, qui avait obtenu la victoire dans les élections européennes en 2014 et pour lequel ces élections étaient un test d’expansion territoriale.
Il reste encore le second tour des élections, qui définira précisément l’élection des 1 500 cantons (sur environ 2074) qui à son tour aura un impact sur la formation précise des conseils départementales et, par conséquent, sur l’élection du Président de chacun d’entre eux. Toutefois, les tendances générales de ces élections semblent aller se confirmer au deuxième tour, donc nous allons analyser les points ci-dessus et définir la politique plus générale à défendre par la gauche révolutionnaire.
Une défaite électorale pour le gouvernement.
Le premier élément à souligner est la défaite du gouvernement, qui confirme les résultats d’européennes et le met dans des perspectives très pauvres en vue de 2017. Les résultats précis du premier tour sont difficiles à évaluer, étant donnée la présence de plusieurs dénominations de la part Ministère de l’intérieur: les binômes où les deux membres font partie du PS, apparaissent comme Parti Socialiste; ceux composés par un membre du PS et un membre d’un autre parti (EELV, Parti Communiste Français, Parti de Gauche), apparaissent comme « Union de la gauche »; ceux où aucun des candidats n’était avec le PS (des combinaisons entre Ecologistes, PCF, PG, etc.) apparaissent comme « Divers gauche ».
Nous nous appuierons ici, comme la plupart des analystes politiques, dans le résultat de la somme des listes purement PS (13,3 %) avec celles de « Union de la gauche » (8,2 %) ce qui nous donne un total de 21,5 %. Lors des dernières élections cantonales, en 2011, le PS avait obtenu (sous sa propre étiquette) le 25 % des votes (+2 % du Parti Radical de Gauche, allié aujourd’hui du gouvernement), en plus du 5 % de « Divers gauche » la plupart alliés du PS à l’époque.
Dans tous les cas, il apparaît clairement que le PS a perdu 12 % par rapport à son propre score d’il y a seulement deux ans, et même 3,5 % si l’on compare le résultat de PS + Union de la gauche avec celui du PS seul en 2011; il faut souligner que le fait que le PS ait dû se cacher sous les listes « Union de la gauche » (dont le vote est difficile à interpréter, car il inclut divers partis comme ceux que nous avons signalés) est un signe de faiblesse politique.
En plus de un score plus faible, le PS a gagné 150 cantons dans le premier tour en 2011; maintenant il a gagné à peine 20 cantons; dans les élections de cette année le PS a été éliminé dès le premier tour dans 25 % de cantons, y compris certains cas importants comme le fait d’avoir été éliminé de 27 des 41 cantons du département « Nord », bastion historique de socialistes et communistes, centre de l’industrie minière et sidérurgique. En plus, il a perdu toute possibilité de maintenir certains départements: le Nord (le plus peuplé du pays), le Seine-et-Marne dans la région parisienne, l’Aisne, l’Oise et le Somme.
Le gouvernement tente de dissimuler cette défaite arguant que le problème est « la division de la gauche »», que celle-ci, au sens large, aurait obtenu une deuxième place (ayant donc un meilleur score que le FN) et s’attribuant la « victoire que le FN ne soit pas le premier parti de France », axe centrale de la campagne défendu personnellement par Manuel Valls.
Mais les chiffres sont têtues, le PS recule par rapport à l’élection précédente et perdrait un nombre important de départements. Clairement, c’est un vote sanction contre les politiques anti-ouvrières et anti-populaires que le gouvernement a poursuivi depuis ses débuts. Cette politique est celle qui fait le lit de la droite et l’extrême droite, les grands gagnants de l’élection.
Sarkozy commence la carrière vers 2017 avec une victoire majeure.
Le grand vainqueur de l’élection est sans aucun doute l’UMP de Nicolas Sarkozy et plus largement l’Union de la Droite (UD), les listes communes que il a présenté avec l’UDI et le MoDem.
La droit a obtenu le 30 % des voix, devenant la première force nationale, a remporté environ 100 cantons au premier tour et se trouve à la tête de 40 % des cantons (UMP et alliés) en plus du 10 % du « Divers Droite ».
La droite devrait être en mesure de confirmer cette progression au second tour et peut passer de diriger le 40 % des départements aujourd’hui à 60 %. Cela lui donnerait une importante base territoriale à long terme (ces élections ont lieu tous les six ans) à partir de laquelle se catapulter aux élections présidentielles en 2017. Le simple fait d’être en mesure d’attirer les « centristes » de l’UDI et le MoDem vers des formules électorales communes montre le renforcement de l’UMP.
La victoire de la droite est une conséquence directe de la chute du gouvernement, qui paie le coût de sa politique des dernières années. C’est la preuve également que, malgré la progression du FN, une grande partie des électeurs désillusionnés du PS vont vers l’UMP, qui jouit encore «de bonne santé », d’une extension territoriale solide et du soutien organique d’importants secteurs de la bourgeoisie, étant pour le mont le choix principal de de rechange pour 2017. Le journal conservateur Le Figaro, a publié, par exemple, quelques jours avant le scrutin une liste des « dérives » des candidats du FN de tout le pays: commentaires antisémites, contre les immigrés ou les « francs-maçons ».
L’élection a été une véritable victoire pour Sarkozy, à nouveau chef de l’UMP depuis le 29 novembre de l’année dernière et le probable candidat à la présidence en 2017 de ce parti. Sarkozy a joué un rôle important dans la campagne, fixant le ton du discours de l’UMP, avec un clair virage à droite, autant au cours de celle-ci et qu’après la publication des résultats.
En ce sens, Sarkozy a défendu dans un reportage télévisé, le 17 mars, l’interdiction de l’utilisation du voile à l’Université, qui est déjà interdit dans les écoles, les collèges et les lycées. En même temps, il se positionne en faveur de la fin des « menus de remplacement » qui sont proposés dans les cantines scolaires lorsque le plat contient de la viande de porc, pour offrir un repas alternatif aux étudiants de confession musulmane. Permettre l’utilisation du voile ou « s’adapter » aux normes alimentaires des musulmans serait pour l’ex-président « contraire aux principes de la République »[1].
A cela il faut ajouter l’appel de Sarkozy après avoir connu les résultats d’élection de ne pas voter ni FN, ni PS au second tour. C’est une rupture avec la tradition du « Front républicain ». Avec cet appel « ni – ni », Sarkozy s’oppose non seulement aux centristes de l’UDI et du MoDem, mais même à certains secteurs de son parti qui ont appelé à voter pour le PS, lorsqu’il s’agit du seul capable de battre le FN au second tour.
Il s’agit, dans tous les cas, d’une progression vers la droite de Sarkozy, qui veut se candidater vers 2017 sur la base de séduire une partie de l’électorat du FN. Malgré cette stratégie, le parti de Marine Le Pen confirme sa progression.
Le FN continue sa progression, s’étendant sur la totalité du territoire.
L’autre grand vainqueur de l’élection est le Front National, qui qui est arrivé deuxième avec 25 % des suffrages, gagnant dix points par rapport aux cantonales de 2011. En termes absolus, il est passé de 1.400.000 votes (sur dix millions d’électeurs, du fait que les élections de 2011 ne concernaient que la moitié des cantons) a 5.150.000 (sur un total de vingt millions, ce qui donne une hausse d’un million de suffrages si nous calculons sur la base de 10.000.000 en comparaison à 2011).
Cette progression à l’échelle nationale est confirmée quand on regarde les élections au niveau local, point clé tant il reflète « l’enracinement » du parti sur le territoire. Le FN gagne quatre cantons au premier tour, alors qu’en 2011, il avait seulement gagné deux après le deuxième tour. Il a réussi à présenter des candidats dans 93% des cantons, contre environ 75 % en 2011; il participera à 1100 des duels 1500 au second tour. Le FN est arrivé en tête en termes de pourcentage dans 43 départements sur 101.
Comme mentionné, le FN consolide ainsi son extension territoriale. Toutefois, malgré le fait d’être le meilleur résultat jamais obtenu par le FN à une élection départementale, il a eu un score plus faible que ce qu’on attendait. En effet, les sondages prévoyaient une élection plus importante du FN. D’autre part, en arrivant derrière l’alliance UMP-UDI-MoDem, il y a perdu sa place de « premier parti de France » gagné dans les élections européennes. Il faut ajouter que comme c’est une élection au scrutin binominal majoritaire, le FN malgré avoir fait un bon pourcentage à l’échelle nationale, pourrait obtenir relativement peu conseillers s’il est vaincu individuellement dans de nombreux cantons (en 2011 il a obtenu le 10 % et a seulement remporté un canton sur 1000), mais globalement c’est clair qu’il aura plus de conseillers qu’en 2011.
Nous devons nuancer toutefois ces résultats ainsi que les résultats des élections en général. Une des données clés de cette élection est qu’il y a eu un 50 % d’abstention, ce qui constitue une spécificité. Pas une spécificité par rapport à d’autres élections du même type; dans les élections cantonales de 2011 il y a eu 55 % d’abstention. Mais une spécificité en relation essentiellement aux présidentielles: dans celles de 2012 il n’y eu que 20 % d’abstention [2].
Il faut souligner que les électeurs du FN sont les moins « abstentionnistes » : c’est-à-dire, il y a beaucoup plus de « réserve de votants » dans le PS et l’UMP que dans le Front National. Par conséquence, les perspectives du FN de réussir à gouverner le pays sont encore très lointaines.
Il s’agit donc d’un progrès très important, qui fait partie de la victoire des européennes et de la consécration du FN comme l’un des « grands partis ». Toutefois, il a eu la limite important que le score a été moins important que prévu et qu’il a perdu la place de premier parti de France. Plus généralement, le principal problème du FN est que le grand vainqueur de l’élection était l’UMP, qui réaffirme sa place centrale dans le système politique français, sa relative résistance à l’érosion du bipartisme et émerge comme principal candidat pour succéder à Hollande.
Aucune « Syriza à la française »
Enfin, nous analyserons le résultat de la « gauche de la gauche ». L’élément central de ces élections c’est que ces forces (Écologistes, Parti Communiste, Parti de Gauche) ont obtenu un score plus faible qu’en 2011. Les illusions de la création d’une « Syriza à la française », cultivées après le meeting pro-Syriza à Paris le 19 janvier sont de plus en plus loin, et la victoire de Syriza en Grèce ne semble pas être suffisant pour que les « vents du changement » soufflent en France.
Les écologistes, membres du gouvernement du PS jusqu’à l’élection du cabinet Valls II, payent cher cette alliance. Ainsi, ils passent du 8 % dans les cantonales de 2011 au 2 % en 2015. Il est difficile d’estimer le pourcentage réel de ce parti, qui s’est présenté dans toutes les formules possibles : en alliance avec le PS, en alliance avec les différents partis du Front de Gauche, ce qui a comme conséquence que certaines de ses listes apparaissent sous le nom de « Divers gauche ». Toutefois, constitue un signe de faiblesse des écologistes, divisés sur la question des alliances (avec le PS ou avec le Front de Gauche) qui se traduit par l’éclectisme de leurs listes. Au-delà de ces difficultés dans l’analyse, on ne peut nier que les écologistes ont eu un fort recul.
Voyons maintenant les résultats du Front de Gauche, qui réunit le PCF, le Parti de Gauche et d’autres forces plus petites. Sous le nom « Front de Gauche », ils ont obtenu 4,72 % des suffrages, auxquels il faut ajouter 1,32 % du PCF et 0,06 % du Parti de Gauche: au total, 6,1 %. C’est-à-dire, une baisse du 3 % par rapport aux élections de 2011, dans lesquelles ils avaient obtenu le 9 %. Encore une fois, une partie des votes des membres du FDG apparaissent sous la dénomination « Divers gauche », par exemple les listes Écologistes-PCF ou Écologistes-PG. Comme pour les écologistes, cela est un signe de faiblesse : les dissensions internes au sein du Front de Gauche, qui ont conduit à ce qu’aux dernières municipales le PCF ait décidé de faire liste commune avec le PS à Paris, rompant l’alliance avec le PG et déclenchant une guerre publique pour les sigles et les logos.
Si on compte de manière plus globale les deux forces, on observe le même recul. En 2011, les Écologistes plus le Front de Gauche ont obtenu le 17 % de votes. Dans ces élections, la somme Front de Gauche + PCF + PG + Écologistes + Gauche Divers atteint seulement le 15 %.
Il est clair que la politique ambiguë de ces formations en ce qui concerne le gouvernement, le fait qu’il s’agisse d’alliances purement électorales et opportunistes qui ne sont même pas les mêmes dans tous les cantons, et un climat politique réactionnaire, où la plus grande partie du mécontentement avec le gouvernement profite à la droite et l’extrême-droite, a coûté cher à ces organisations.
Affronter le gouvernement dans les rues
Les élections constituent une nouvelle défaite politique du gouvernement, conséquence, comme nous l’avons dit, de ses politiques antipopulaires. Cependant, au-delà des défaites électorales, le gouvernement continue avec ses plans d’austérité et les « réformes » du marché du travail qui visent à détruire les conquêtes historiques de la classe ouvrière et à augmenter la « compétitivité »capitaliste de l’économie française. L’offensive de la Loi Macron en est une preuve.
Toutefois, entre la situation réactionnaire ouverte par les attentats contre Charlie Hebdo, le climat électoral écrasant et l’omniprésence du FN dans la scène politique et les médias, certaines luttes ouvrières isolées commencent à faire leur chemin. On parle des nombreuses grèves de La Poste qui ont secoué plusieurs régions, de la lutte des salariés des hypermarchés comme Auchan et Carrefour, la grève illimitée des employés de Radio France, la grève du personnel administratif de l’Université Paris 8.
L’irruption des travailleurs et de leurs luttes est le seul moyen de commencer à inverser la tendance réactionnaire qui s’est installé au cours des derniers mois, de mettre dans le centre de la scène politique les conditions de travail, les licenciements et la dégradation de la situation économique et ceux qui se mobilisent pour faire face à cela, plutôt que les débats racistes sur le voile, sur les « menus de remplacement » et autres écrans de fumée qui ne servent qu’à diviser les travailleurs. On doit lier et renforcer les luttes pour que la classe ouvrière ait sa propre voix sur la scène nationale et pour faire échouer les plans anti-ouvriers du gouvernement.
Dans ce sens, l’appel des principales confédérations syndicales (la CGT, Force Ouvrière et Solidaires) à une journée de grève interprofessionnelle et manifestation le 9 avril contre les plans anti-ouvriers, en particulier la Loi Macron, et pour des augmentations de salaires, doit être une des priorités de la gauche révolutionnaire dans la prochaine période. Pour éviter que ce soit seulement la droite qui continue à frapper le gouvernement aux urnes, on doit construire les mobilisations pour frapper le gouvernement par la gauche, dans les rues.
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1] L’élimination du menu de remplacement a été critiquée par plusieurs présidents des Conseils Régionaux de l’UMP, qui se sont opposés aux déclarations de Sarkozy.
[2] Soulignons que la seule fois où le Front National a accédé au deuxième tour de l’élection présidentielle, en 2002, a été dans l’élection qui a eu le taux d’abstention le plus élevé dans l’histoire de la Vème République : 28,4 % (il était 21,6 % en 1995 ; 16,22 % en 2007 ; 20,52 % en 2012). Le vote sanction contre le PS de Lionel Jospin s’est exprimé massivement par l’abstention de son électorat. À cette occasion, l’effet du « Front Républicain » au second tour a permis à Jacques Chirac d’écraser Le Pen : 82.21 % (19.88 % au premier tour) contre 17,79 % (16,86 % au premier tour).
Par Ale Vinet, Socialisme ou Barbarie, Paris, 24/03/2015