Abr - 16 - 2015

Ce vendredi 10 Avril commence au Panama « Le VVI Sommet des Amériques ». S’y donneront rendez-vous des chefs d’Etat et de gouvernement du continent, qui atteindrait le chiffre assez gonflé de 35, grâce aux mini-États des îles des Caraïbes.

Ces « sommets » sont appelés par l’OEA (Organisation des États Américains), avec siège à Washington. L’OEA a été créé en 1948 dans le prolongement des agences internationales dont l’origine est la première Conférence Internationale Américaine, tenue à Washington en 1889/90 et qui a fondé l’International Union des Républiques Américaines (appelée ensuite Union Panaméricaine).

La définition classique de l’OEA (et ses prédécesseurs) est d’être « le ministère des colonies des Etats-Unis ». Lors de la Conférence de 1889/90, la grande puissance impérialiste du monde était l’Empire britannique, qui avait son « Colonial Office » (Ministère des Colonies) à Londres, d’où il administrait un nombre infini de territoires sur les cinq continents. Les États-Unis commençaient déjà à planifier de rentrer dans le jeu, en commençant par la sujétion de la région du Mexique, Amérique centrale et des Caraïbes… et envisageant le reste de l’Amérique latine…

Washington avait besoin de sa propre « Colonial Office ». Mais il n’allait pas l’appeler ainsi, car le nouvel impérialisme se développerait sous un nouveau mode de domination plus efficace et plus « flexible », celui des semi-colonies. Officiellement, presque tous les territoires dominés seraient toujours « indépendants » et avec des gouvernements « propres »… avec la condition qu’ils se soumettent aux exigences de Washington… Si ce n’était pas le cas, ils envoyaient les « marines » ou Washington louait un militaire qui donnait un coup d’État et mettait les choses en ordre.

Cette contradiction entre la forme et le contenu n’a pas réussi à éviter les turbulences dans l’histoire de l’OEA, dans la mesure où apparaissent des gouvernements avec un degré plu ou moins grand de « désobéissance » face au « Big Brother » de Washington. Il y a quelques décennies, la révolution cubaine qui a triomphé en 1959, a donné la note discordante en faisant face au maître de Washington. Cela a été résolu en 1962 avec l’expulsion de l’OEA de l’état désobéissant.

Toutefois, dans ce XXI siècle, sans avoir encore rien de comparable à la révolution cubaine, l’OEA est entré en ce qui est peut-être sa plus grande période de turbulences. Elle associe deux facteurs principaux. D’une part, les Etats-Unis ne sont plus ce qu’ils étaient. Ils ne sont pas en train de s’effondrer, mais dans un processus de déclin relatif, tandis que d’autres étoiles, comme la Chine, montent. D’autre part, les révoltes populaires qui ont traversé principalement l’Amérique du Sud, ont généré des degrés de désobéissance et de questionnement divers.

Les « Sommets », une arme qui se retourne parfois contre les Etats-Unis

Les sommets des Amériques sont une invention relativement récente. Elles ont été une idée de l’administration démocrate de Bill Clinton, dans les années 1990, après l’effondrement de l’URSS, quand les Etats-Unis sont apparus comme LA superpuissance, le maître unique et incontesté de la planète. Le premier sommet s’est réuni à Miami en décembre 1994.

En général, les réunions des années 90 ont voté, généralement à l’unanimité, tout ce que Washington a mis sur la table, principalement des normes libérales, des privatisations, etc. et bien plus encore alors les projets de l’établissement la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques). C’était le temps, comme le disait Menem, le président argentin, des « relations charnelles » avec les Etats-Unis !

Le premier court-circuit se produit lors du III Sommet en avril 2001 à Québec, au Canada. Le nouveau président du Venezuela, Hugo Chávez, ose voter contre le projet de la ZLEA. Quatre ans plus tard, l’IVème Sommet (Mar del Plata, novembre 2005), le court-circuit se transforme en incendie. Bush se ridiculise, en perdant le vote pour la ZLEA contre le bloc mené par le Venezuela, le Brésil et l’Argentine. Le marché commun d’Amérique latine avec le projet américain s’effondre. De manière indirecte, les rébellions sud-américaines et les changements politiques qu’elles génèrent, impactent même dans le « ministère des colonies ».

Venezuela et Cuba, le VII Sommet a aussi des problèmes

Dix ans plus tard, le VII sommet du Panama vient aussi avec des tremblements de terre probables… du fait que son organisateur, l’OEA, n’a pas changé de nature. Les courts-circuits dont nous avons parlé, ne l’ont pas transformé en un organisme indépendant de Washington.

Il existe une variété de questions inscrites à l’ordre du jour, mais celles qui attirent l’attention internationale avant les sessions sont principalement deux, le Venezuela et le Cuba.

En envoyant deux signaux différents, l’impérialisme nord-américain a ouvert les portes à la « normalisation » des relations avec Cuba, alors que peu de temps après il a lancé une provocation contre le Venezuela, la « Executive order » le 9 mars. Celle-ci définissait le Venezuela comme une « menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis »… phrase qui ouvre la porte même d’une agression armée.

La répudiation généralisée en Amérique latine, a fait qu’aucun gouvernement du continent, y compris les plus réactionnaires et les plus serviles aux Etats-Unis, n’ait eu le courage de soutenir cette mesure. Ce dont s’est plainte amèrement avant-hier Roberta Jacobson, Secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires de l’Hémisphère Occidental, responsable de la campagne anti-chaviste.

A l’intérieur même du Venezuela, l’attaque des Etats-Unis n’a fait que profiter à Maduro, qui allait de pire en pire. En s’appuyant sur le sentiment anti-impérialiste légitime du peuple venezuelien, il a réussi à contrer un peu sa perte de légitimité produit de la crise, la pénurie, la manque de produits et l’austérité.

Luis Vicente León, anti-chaviste Président de Datanalisis, un des principaux instituts de sondage du Venezuela, a défini ainsi la question: « Obama est un miracle qui est tombé du ciel à Maduro, au moment où il en avait le plus besoin ». Profitant de ce miracle tombée du ciel, Maduro se rendra à Panama avec 8 millions de signatures de protestation qu’il a ramassé au Venezuela, pour les donner à Obama.

En revanche, Cuba apparaissait comme un visage « amical » pour Obama. Pour la première fois depuis 1962, une délégation cubaine, dirigée par Raúl Castro, irait à une réunion de l’OEA et rencontrerait probablement le président. Cependant, au dernier moment, c’est toujours un point d’interrogation. Le fait est que les négociations tenues à la Havane sont de plus en plus lentes et difficiles. Et cela pourrait avoir un impact dans le Sommet de Panama.

Au-delà de ces enchevêtrements diplomatiques, la seule chose qui ne fait pas de doute est que lors de la réunion de l’OEA se manifesteront des signes de crise et d’imprévisibilité. Mais ceci n’améliore pas ni change la nature fondamentale du « Ministère des colonies » de l’OEA. La position anti-impérialiste cohérente devrait continuer à être de se battre pour la rupture de tous les pays d’Amérique latine avec l’OEA.

Par Rafael Salinas

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