Compartir el post "Etat espagnol – Des élections qui confirment l’érosion du bipartisme, la fin des majorités absolues et ouvrent un scénario d’instabilité"
Grande défaite du PP, le PSOE résiste à l’affaiblissement, les « candidatures citoyennes » gouverneront les principales villes
Les récentes élections régionales et municipales ont altéré profondément la carte électorale et politique de l’État Espagnol. Dans le contexte de la crise internationale et d’une persistance des luttes (comme la lutte au cours des travailleurs des « Contratas » (les entreprises sous-traitantes) de Telefonica dont nous avons parlé dans ces pages), un vrai tremblement de terre politique a eu lieu ce week-end, dont le conséquences sont toujours imprévisibles.
L’alternance dans le pouvoir sans des sursauts entre le PP et le PSOE auquel nous étions habitués s’est terminée, au moins dans le plan municipal. Bien qu’ils continuent d’être les forces les plus votées, leur hégémonie électorale et politique a été contestée par ces résultats et aucun ne pourra gouverner avec la tranquillité et la garantie qu’octroie la majorité absolue. Les grands gagnants de l’élection ont été les « candidatures citoyennes », liées aux secteurs d’activistes, à Podemos et aux formations comme les écologistes, les secteurs provenant de Izquierda Unida (front électoral du Parti communiste) qui auront le gouvernement à Madrid (Ahora Madrid) et à Barcelone (Barcelone en Comú), en plus d’autres grandes villes.
Nous analyserons donc la signification la plus globale de ces élections, en plus des scores que chaque formation a obtenu. Nous nous concentrerons aussi sur le caractère des formations du « nouveau réformisme » et la perspective de celui-ci. Finalement, nous dédierons quelques lignes aux perspectives dans la prochaine période et au rôle de la gauche révolutionnaire dans celle-ci
Une grave défaite du PP, reflet d’un sentiment répandu anti-austérité
Le premier élément à prendre en compte est la claire défaite et effondrement du PP, qui perd 2 millions de votants par rapport aux élections antérieures (en passant de 37 % à 27 % au niveau national) et il tombe notoirement dans la tendance vers les élections générales. Il gagne dans la majorité des Communautés autonomes où il gouvernait, sauf en Estrémadure et les Canaries mais il perd toutes ses majorités absolues. Par exemple, à Madrid, la capitale de l’État, bien qu’il soit arrivé en tête (34 % et 21 conseillers) il ne réussira pas à former gouvernement. Cela est progressif à la fois par les conséquences concrètes qu’il aura à court terme et par l’état d’esprit plus de fond que ceci exprime.
Dans l’immédiat, cela signifie la possibilité réelle et concrète que le PP perd du pouvoir territorial après des années, comme ce sera le cas dans des endroits importants comme Madrid, Valence et les Baléares. Cette donnée n’est pas sans importance : d’une certaine manière, les élections municipales fonctionnent comme une « répétition générale » des élections générales (au parlement et présidentielles) qui auront lieu dans quelques mois. Les élections municipales permettent de voir dans « en chair et en os » les préférences électorales que les enquêtes reflètent seulement d’une manière indirecte, en plus d’être une preuve concrète de quels partis sont « présidentiables » et lesquels ne le sont pas, en agissant d’une manière significative sur les phénomènes électoraux. Ce n’est pas par hasard si avant de remporter les élections générales de 2011 qui ont mis à Rajoy à la tête de l’État, le Parti Populaire avait réussi à remporter les élections municipales de mars de cette année (une victoire de la droite que beaucoup d’analystes ont analysée comme une preuve infaillible de la « courte portée » du phénomène des Indignés, déchaîné à peine une semaine avant ces élections)
En même temps, la défaite électorale du PP est reflet d’un état d’esprit général. La presse bourgeoise et les journalistes de droite attribuent aux cas de corruption un poids presque déterminant dans la défaite du PP. Sans rester de l’importance au dégoût partagé par la majorité de la population face à la corruption, ce qui a incliné la balance contre le PP c’est que dans ces élections un large et important secteur s’est prononcé dans les urnes contre l’expression la plus concentrée des partis du régime et de sa politique austéricide des mesures pro Troika consistant à faire payer aux travailleurs et aux secteurs populaires le prix de la crise capitaliste. La « récupération économique », la « amélioration » et l’hystérique appel anti-gauche à freiner Podemos, les axes de campagne du PP, se sont heurtés avec la quotidienne et crue réalité matérielle et les perspectives d’avenir de la majorité des Espagnols, pour lesquels la crise, le chôùage, la précarisation, l’instabilité de travail, la perte de la santé et d’éducation continuent d’être les motifs réels de souffrance et de préoccupation.
De là que le premier élément du bilan de l’élection, celui qui ordonne le reste, est précisément ceci : que les élections ont constitué une défaite pour le PP, vu comme l’incarnation la plus profonde des politiques antisociales. Que cette répudiation s’exprime encore à travers des formations comme le PSOE (également responsable que le PP de la situation actuelle) ou comme les « candidatures citoyennes »» dont les portées et les limites nous analyserons plus loin, ne peut pas nous faire perdre de vue sectairement ce fait fondamental : le coup dur que les travailleurs et les secteurs populaires ont donné à la bourgeoisie espagnole et à l’UE.
Le PSOE : une persistance encore faible pour assurer l’alternance
Le deuxième élément de l’élection est que le PSOE, pilier historique du bipartisme et exécuteur des premières attaques anti-ouvrières au début de la crise (à travers le gouvernement de Zapatero, 2004-2011) a réussi à maintenir ses pourcentages électoraux des dernières élections municipales et il pourrait arracher même certaines mairies des mains du PP.
Plusieurs éléments expliquent cette situation. D’un côté, il n’y a pas de doute que le caractère de »parti historique » du PSOE a un poids important dans ses résultats. C’est-à-dire qu’au-delà de différentes crises qu’il a traversées ces dernières années, il conserve conserve la plupart de son appareil historique (en termes d’extension territoriale, de cadres politiques, de puissance financière, etc..) ce qui a un poids important dans une élection de ce type, municipale. Dans ce sens, la différence entre l’appareil du PSOE et des moyens dont disposaient les « candidatures citoyennes », ses adversaires les plus directes, était énorme.
Par ailleurs, ce caractère « historique » se reflète dans des racines populaires toujours fortes qui font qu’il soit identifié en partie comme un parti « social-démocrate » et « de gauche », en particulier face aux droitiers du PP qui sont allés par exemple jusqu’à remettre en question le droit à l’avortement. Les élections en Andalousie ont été une preuve de cela : dans la Communauté autonome la plus peuplée et la plus pauvre de l’État espagnol, le parti socialiste espagnol a gagné les dernières élections autonomes avec 35 % des votes, en conservant ainsi un gouvernement qu’ils maintiennent de manière ininterrompue depuis le retour de la démocratie; pour ces élections municipales ils ont gardé ce pourcentage. Le « changement de visage » du parti, qui a emporté le « jeune » Pierre Sanchez au Secrétariat Général en remplacement de Rubalcaba a aussi donné ses fruits.
Cependant, le PSOE n’a pas réussi à se consacrer réellement comme la seule alternative face au PP. En premier lieu, il est resté en deuxième lieu : 25 % contre 27 % du PP. En deuxième lieu, il n’a pas réussi à agglutiner les votes « Anti PP », comme le démontre le fait que le PP est tombé dix point et le PSOE a gardé le même pourcentage, par rapport aux dernières élections. En partie, un secteur des votes du PP a été repris par la candidature de Ciudadanos, le parti de droite s’est ouvert un chemn dans le terrain électoral. Mais la question centrale de l’élection, au moins par rapport à l’impact politique et médiatique de l’élection, est l’irruption des « candidatures citoyennes », qui ont affaiblit le PSOE comme « seule par excellence » du PP.
Les « candidatures citoyennes» : programme, bases sociales et institutionnalisation
Sans doute les « grands gagnants » de l’élection ont été les « candidatures citoyennes », principalement Ahora Madrid, avec l’ex-juge Manuela Carmona (une activiste sous le franquisme, ex-militante du PCE) à la tête et de Barcelone en Comú avec à la tête Ada Colau (une activiste de la PAH, la Plate-forme de Victimes de l’Hypothèque, organisation connue pour s’opposer aux expulsions).
Ainsi, ces secteurs liés à Podemos, aux formations écologiques comme Equo et aux secteurs provenant de Izquierda Unida (qui à Madrid se trouve dans une crise terminale) ont réussi à remporter des victoires des victoires à Madrid et à Barcelone. À Madrid, en réalité, la liste la plus votée a été celle du PP, mais celui-ci n’arrive pas à la majorité même pas avec un pacte avec Ciudadanos : tout le monde sait que ce sera Ahora Madrid qui dirigera la mairie. À Barcelone, la liste d’Ada Colau est arrivée en tête, bien qu’elle devra aussi mettre en œuvre des complexes architectures post-électorales pour pouvoir gouverner (avec seulement 11 conseillers, il aurait besoin de l’appui des Candidatures d’Unité Populaire, de la Gauche Républicaine par la Catalogne et du Parti socialiste de la Catalogne).
Si les élections ont reflété dans son ensemble un vote sanction des travailleurs et des secteurs populaires contre la bourgeoisie et le PP, il n’y a pas de doute que la victoire des « candidatures citoyennes » renforce cette idée. Sans laisser de côté le caractère limité de ces formations, de leurs projets réformistes, le fait qu’ils accèdent au pouvoir par une voie électorale, ce serait un erreur sectaire de ne pas refléter le fait qu’il s’agit des partis « anormaux » pour l’ordre bourgeois – même, dans certain sens, plus « anormaux » que Syriza qui vient du tronc le plus classique du stalinisme et dont les candidats principaux sont des cadres du parti et non des « activistes sociaux »-. Une photo qui a circulé sur internet dans les derniers jours reflète cette réalité : dans la photo, prise en occasion d’une expulsion, l’on voit Ada Colau par terre, sur le point d’être levé pour être expulsée par un policier. Après la victoire électorale, la même photo a circulé avec la légende : « Vous avez besoin d’aide pour vous lever, madame la maire ? »
Sans doute, cette « anomalie » est complétée par le fait que, encore sous la médiation électorale, la participation des « bases » semble avoir été plus élevée que ce qui existe couramment sous la démocratie bourgeoise. L’élection des candidats et des points principaux du programme électoral par un « vote électronique » ou d’autres modalités qui ont déjà été utilisés par des partis comme Podemos, bien qu’ils ne constituent pas une forme de vraie autodétermination par en bas, ils mettent quand même une certaine pression sur ces formations. Par ailleurs, les élections semblent avoir mobilisé des parties importantes des mouvements sociaux qui ont pris la campagne dans leurs mains.
Par ailleurs, les programmes électoraux de ces formations sont quand même une nouveauté face à la droite et au libéralisme social du PSOE. Ils incluent l’arrêt de toutes les expulsions, des amendes aux banques qui possèdent des appartements non loués, faire payer des impôts à l’Église, garantir de l’électricité et de l’eau aux secteurs les plus pauvres, assurer le droit à la santé aux sans-papiers, un transport gratuit pour les personnes âgées de moins de 16 ans, entre d’autres mesures. Sans doute, d’être réalisées ces mesures seraient progressives et il faudrait lutter pour son implémentation.
Le grand problème c`est que, avec un pied mis dans les institutions, le cours de « normalisation » de ces formations pourrait s’accélérer et s’approfondir encore plus. En effet, ils ne pourront arriver au gouvernement qu’à travers des pactes avec des secteurs « traditionnels », comme nous avons mentionné plus haut. À son tour, les « candidatures citoyennes » ont la clé de la victoire du PSOE dans quelques mairies, des victoires que ces secteurs seraient prêts à assures sous une optique de « tous contre le PP ».
De là que les perspectives sont celles d’une énorme instabilité : les élections ont profondément modifié la carte politique de l’État espagnol et sont un pas supplémentaire dans la crise du système bipartiste.
Les perspectives dans la prochaine période : « deuxième Transition démocratique » ou crise renforcée du régime ?
Le premier élément qu’il faut marquer ce sont les portées et limites de la crise du système bipartisan. D’abord, les limites : le PP et le PSOE sont toujours le premier et le deuxième parti les plus votés, et ils dirigeront la majorité des mairies et des communautés autonomes. Si nous le comparons aux élections en Grèce, la différence est abyssale : là le parti historique Nouvelle Démocratie a atteint 27 %, mais le social-démocrate PASOK s’est écroulé à 5 %; par ailleurs, le gagnant des dernières élections a été Syriza, parti qui ne fait pas de partie du bipartisme classique.
Par rapport aux portées de cette crise, il est clair que le système bipartisan est gravement blessé : le PP et le PSOE atteignent seulement 50 % des votes (par rapport au 70 % en 2007 et au 60 % en 2011); déjà on parle d’une gouvernabilité « tetrapartisane », entre le PP , le PSOE , Podemos et Ciudadanos. Si concernant ces élections municipales il ne devrait pas y avoir des grands sursauts, en trouvant des accords « cas par cas » dans la majorité des mairies, une scène identique dans des élections générales serait un vrai cauchemar, qui mettrait sur la table la possibilité d’une incapacité de former un gouvernement. À cette fragmentation il faut rajouter l’existence de partis régionaux de grand poids, comme le PNV basque et CiU en Catalogne, une conséquence des tâches non résolues d’unité nationale et du casse-tête que constitue l’État Espagnol
En tout cas ce qui est ouvert dans les semaines suivantes est une « danse d’alliances » qui donnera lieu à des gouvernements de toute espèce dans différentes municipalités. En partie, c’est la volonté des secteurs liés à Podemos : par rapport à la sclérose du bipartisme, la dispersion électorale apparaîtrait comme garantie d’un « vrai exercice démocratique », entre des partis « égaux » et où le municipalisme pourrait se permettre toutes sortes d’alliances en vertu de ce caractère démocratique des institutions, libérées du « poison bipartisan ».
Cette perspective de « régénération démocratique » du Régime du 78 semble être celle qui domine aujourd’hui dans la direction de Podemos et de ses secteurs proches. Il s’agirait de « changer les institutions de l’intérieur », comme si le simple poids électoral de formations non traditionnelles pouvait changer le caractère d’un régime basé sur la défaite historique de la classe ouvrière espagnole qui a signifié la Transition.
Sans doute, cela contribuerait à régénérer l’image des partis du régime . En aucune façon les mouvements sociaux et les travailleurs en lutte qui ont contribué d’une manière centrale à la victoire de ces formations peuvent se contenter de cela. Au contraire, la fragmentation électorale peut être encore un coup pour le régime déjà affabili de la Transition. L’instabilité qui caractérisera les mois suivants doit être utilisée par les travailleurs en lutte pour creuser encore plus la crise du système et pour imposer leurs revendications.
Les tâches des révolutionnaires : impulser la mobilisation par en bas pour conquérir nos revendications
Comme nous l’avons dit, une série des mesures proposées par Barcelona en Comú et Ahora Madrid seraient progressives en cas d’être appliquées : renoncer à cela serait d’un sectarisme criminel, signifierait ne pas comprendre que l’actuelle situation n’est pas le résultat de la « bonne volonté » de ces formations réformistes, mais de la lutte exemplaire que les travailleurs et le peuple espagnol ont menée ces dernières décennies. Comment ne pas comprendre que le « engagement des escaliers » est le résultat de la grève héroïque de plus de quarante jours des travailleurs des entreprises sous-traitantes de Telefonica et que son application (qui impliquerait concrètement la perte de millions d’euros des contrats avec la Marie pour Movistar) serait un point d’appui phénoménal pour cette lutte ?
Avec les points évoqués précédemment (le vote sanction au PP, l’irruption de formations non traditionnelles, la crise du Régime du 78), on ne peut pas perdre de vue un point fondamental de la situation politique actuelle : la persistance des luttes ouvrières et populaires, qui continuent de marquer le rapport de forces dans l’État espagnol et qui ont impacté dans la dispute électorale.
C’est pourquoi la tâche principale des révolutionnaires est d’alerter sur les dangers que l’institutionnalisation de ces formations politiques entraîne et d’affirmer d’une manière claire que toute avancée significative dans les conditions de vie des travailleurs et du peuple ne peut être obtenue que grâce à la mobilisation indépendante. Dans ce cadre, les positions électorales sont seulement un point d’appui secondaire, qui serait sectaire d’abandonner, mais qui ne peut jamais être le centre des organisations révolutionnaires.
C’est pourquoi, sans ignorer d’une manière sectaire l’énorme valeur de la défaite du PP et avec la perspective de défendre toute mesure progressive que ces gouvernements municipaux pourraient prendre, face aux attaques du gouvernement central (asphyxie budgétaire, des attaques judiciaires des institutions réactionnaires de la Transition, etc..), les révolutionnaires doivent défendre de manière intransigeante la mobilisation de la classe ouvrière et la construction d’organisations indépendantes comme la seul issue de fond pour la crise capitaliste et pour conquérir toutes les revendications des secteurs en lutte.
Par Carla Tog y Ale Vinet, depuis l’Europe pour Socialisme ou Barbarie