Sep - 12 - 2015

Les vagues de centaines de milliers de réfugiés ou de simples migrants arrivant en Europe, ne sont plus des vagues mais presque un tsunami.

Cependant, tout est une question de proportions. En vérité, ce tsunami d’immigration en Europe est toujours une miniature, si on le compare avec le phénomène global des déplacements massifs – forcés par la combinaison des raisons économiques et politiques – qui caractérise notre époque.

Maintenant on entend tardivement des sonnettes d’alarme sur un phénomène qui en vérité a lieu depuis longtemps et qui ne se limite pas au secteur du monde autour du bassin méditerranéen.

Ici, nous verrons, tout d’abord, comment la vantée « mondialisation » néolibérale, sur le plan économique, combinée avec divers processus politiques connexes, ont été la cuisine infernale de la tragédie actuelle et de beaucoup d’autres, moins médiatisées. Le fait est qu’il y a une combinaison de causes qui agissent sur une échelle mondiale et qui sont en lien avec la configuration économique et politique du monde  « post Mur de Berlin ». Ensuite, dans un autre article, nous examinerons le cas de l’Europe aujourd’hui en particulier.

Mondialisation néolibérale: tout est « libre » de circuler…sauf les êtres humains

La mondialisation néolibérale a imposé le modèle du capitalisme qui consacre la « libre circulation des capitaux et des marchandises ».

Même si ce n’est pas encore total ou absolu, il y a eu un changement qualitatif par rapport aux époques précédentes où, d’une part, un tiers de la planète consistait en des (mal nommées) « pays socialistes » et dans une grande partie du reste, par exemple, dans les « pays en voie de développement », il y avait une combinaison de politiques de « remplacement des importations » et de promotion des marchés intérieurs.

Mais aujourd’hui règne enfin la « liberté » ! Les capitaux et les marchandises peuvent aller d’un bout à l’autre du monde, sans restrictions ni ennuis. Finalement, ils sont « libres » ! Bien sûr, en revanche, les êtres humains ne bénéficient pas des mêmes libertés… surtout s’ils sont pauvres. Et la situation est allée de pire en pire à cet égard.

Bien sûr, nous ne parlons pas du tourisme mais de la migration. Pour un mexicain pauvre, il est aujourd’hui beaucoup plus difficile d’aller vivre légalement aux Etats-Unis qu’il y a cinquante ans. Pareil pour un maghrébin ou un sénégalais sans fortune, de le faire en France.

Mais ceci n’est pas le pire. Le pire c’est que cette « libre circulation des capitaux et des marchandises » -qui a été imposée comme une loi naturelle ou divine incontestable- a des conséquences désastreuses pour la grande majorité de la population. Il a ruiné tellement le mexicain pauvre, ainsi que le maghrébin ou le sénégalais, qu’ils n’ont d’autre issue que d’émigrer.

En d’autres termes : la « libre circulation des capitaux et des marchandises » de la mondialisation a détruit une grande partie des structures productives de ces pays (qui représentent la majorité de la population de la planète), sans les remplacer par d’autres structures susceptibles de fournir de l’emploi et une protection sociale minimale.

Dans ce contexte, le Mexique, où sans doute l’homme a créé le maïs il y a des milliers d’années, achète presque tout le maïs qu’il consomme aux Etats-Unis, grâce au Traité de Libre Commerce. En contrepartie, les masses paysannes mexicaines sont dans une situation qui empire jour après jour. Et dans les villes, il n’y a pas d’issue non plus. L’industrie est principalement la « maquila » satellite des industries nord-américaines. Tout est entre les mains des entreprises étrangères et de leurs partenaires, la bourgeoisie mafieuse mexicaine. Et, pas par hasard, il y a une catastrophe sociale et un chômage énorme.

De la croissante masse des exclus et marginalisés que ceci génère, surgissent les milliers de personnes qui risquent leurs vies tous les ans pour rejoindre les Etats-Unis, où ils rejoindront les 11.000.000 millions de « clandestins » qui travaillent pour des salaires de misère et qui, à n’importe quel moment peuvent être arrêtés et déportés.

Mais ils ne sont pas seuls. Depuis plusieurs pays d’Amérique centrale – tels que le Honduras et El Salvador en premier lieu- des milliers et des milliers entreprennent le même chemin dans des conditions encore pires. Leur itinéraire est marqué par la violence, le viol et la mort.

Un problème mondial avec des circuits principaux… et avec des facteurs politiques qui l’aggravent

Globalement, il y a deux circuits principaux de migrations massives, celui Amérique Centrale-Mexique – États-Unis et celui qui est maintenant au premier plan, qui converge en Europe à partir du « grand Moyen-Orient » et de l’Afrique, en traversant à différents endroits la Méditerranée. Et peut-être plus, si on compte quelques circuits de l’Asie qui ne convergent pas vers ces centres du capitalisme mondial.

Avant de parler de la vague d’immigration qui secoue l’Europe nous avons cité la route Amérique Centrale-Mexique-États-Unis, justement pour souligner le fait que nous sommes confrontés à un problème mondial et structurel… même si, bien sûr, ceci est combiné avec des circonstances politiques aggravantes de natures différentes selon les cas. Dans de la guerre en Syrie, ce facteur est aujourd’hui évident. Cependant, dans d’autres cas apparemment moins « extrêmes », la composante politique n’est pas absente.

Et cette composante politique, implique également des responsabilités politiques qui retombent – directement ou indirectement – sur les mêmes puissances impérialistes qui ont imposé la « mondialisation », et qui ont profité de la « libre circulation des capitaux et des marchandises »… et des murs qui empêchent les êtres humains de circuler librement.

Est-ce que les guerres actuelles de la Syrie, l’Irak et également l’Afghanistan se seraient produites si les interventions impérialistes de la dernière décennie n’avaient pas eu lieu ?

Le fait de promouvoir les affrontements sectaires-religieux entre chiites et sunnites pour mieux dominer l’ensemble n’a pas été la politique des Etats-Unis ? Sans l’invasion et l’occupation occidentale initiée par Bush avec la guerre en Irak, des monstres comme l’Etat Islamique ne seraient jamais apparus, dans des sociétés qui, même avec des contradictions, avaient eu des progrès laïques très considérables!

La rébellion démocratique initiale en Syrie, n’a pas été liquidée par une militarisation dans laquelle les partenaires mineurs des États-Unis et de l’Europe (comme la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar, etc.) ont soutenue toutes sortes de sectes islamiques, l’une plus réactionnaire que l’autre, jusqu’à ce toutes soient dépassées en termes de caractère réactionnaire par l’Etat Islamique ?

Et le comble est maintenant la « solution finale » proposée par Hollande, le président « socialiste » de l’impérialisme français. Pour empêcher que des réfugiés ne continuent de venir en Europe il faut redoubler les bombardements en Syrie !

Mais la Syrie n’est pas le seul fournisseur de migrants. Maintenant, ils viennent de l’Afghanistan, malgré la distance. Ils viennent aussi d’Ethiopie, bien qu’il n’y ait pas de guerre dans ce pays. Ils échappent non seulement de la pauvreté, mais aussi de son régime brutalement autoritaire… Bien sûr, on n’en parle pas de ceci. Parce qu’Obama a récemment voyagé en juillet dernier à Addis-Abeba  pour absoudre de ses péchés le Président Teshome et le premier ministre Desalegn.

Et une autre source de refugiés est déjà « en construction ». Avec le soutien des Etats-Unis, ses amis, l’Arabie saoudite et les Pétromonarchies du Golfe, mènent une guerre d’extermination au Yémen. Ils ont détruit la capitale avec des bombes et des avions fournis par l’Union Européenne et les États-Unis, en massacrant le peuple sans défense et en détruisant des bâtiments non moins historiques que les temples de Palmira, détruits par l’Etat Islamique.

Enfin, un détail non sans importance. Les milliardaires monarchies du Golfe ont été des partenaires historiques de l’impérialisme américain et européen au Moyen-Orient. Ils ont une responsabilité directe dans les guerres qui alimentent la vague actuelle de migrants, en particulier celle de la Syrie. Mais, jusqu’à présent, ils n’ont reçu même pas un seul réfugié… et ils ne montrent aucun intérêt pour les réfugiés, même s’il s’agit, en plus, majoritairement de musulmans.

« Selon Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la Turquie héberge 1,9 millions de syriens, le Liban à 1,1 millions, le Jordan 629.000, l’Irak 249.000 et l’Égypte presque 133 000. Pour ces pays, certains avec des graves difficultés économiques, accueillir autant de réfugiés représente un effort que les gouvernements arabes dans le golfe Persique ont éludé. Un rapport publié par Amnesty International souligne que « six pays du Golfe – Qatar, Émirats Arabes Unis, Arabie saoudite, Koweït, Oman et Bahreïn – n’ont  accueilli officiellement aucun refugié syrien ». » (Agence France-Presse, 09/07/2015)

Ils n’offrent pas de refuge et encore moins d’emplois. Ceci est dû au fait que « la plupart des pays du Golfe se nourrissent des travailleurs étrangers d’Asie du sud-est comme main de œuvre non qualifiée qui souffre d’abus brutales » (cit.).

Pour les pleins droits des migrants et des réfugiés !

La vague de réfugiés et des migrants « illégaux » qui arrive en Europe n’est pas un phénomène « exceptionnel ». Il exprime l’éclatement d’une grande contradiction… qui probablement continuera de s’aggraver.

D’un côté, un capitalisme globalisé, qui a la plus grande liberté d’aller d’un bout à l’autre de la planète en exploitant les travailleurs de la ville et de la campagne, en pillant les richesses naturelles et punissant un pays après l’autre avec des guerres et des dictatures…

 

De l’autre côté, les masses ouvrières et populaires, qui n’ont aucune liberté de circulation et de traverser une frontière, mais si elles souffrent la misère et souvent pour atrocités commises par les dictatures et les guerres.

La lutte pour les pleins droits des migrants et des réfugiés, est à l’ordre du jour !

Par Claudio Testa, Socialisme ou Barbarie, 10/09/2015

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