Sep - 29 - 2015

La réaction de solidarité envers les milliers de réfugiés arrivant en Europe ne devrait pas surprendre. Dès 1996 au moins, nous avons vu de grandes manifestations à Paris, en solidarité avec les migrants sans papiers qui avaient décidé cette année-là de sortir de la clandestinité. Pendant des mois, des milliers de personnes les ont accompagnés dans leur lutte. Et aussi, à certains moments, dans telle ou telle entreprise, des syndicats CGT soutiennent, timidement, la régularisation des travailleurs immigrés; mais ces actions restent isolées, sans lien avec d’autres syndicats et ne dépassant pas le cadre local.

En Allemagne, de nombreuses manifestations ont forcé Angela Merkel à prendre des mesures allant dans le sens de l’accueil des réfugiés. Elle a profité des circonstances pour essayer d’améliorer quelque peu l’image de l’Allemagne, alors que l’impérialisme allemand, à l’encontre du peuple grec, avait montré clairement sa nature dominatrice et exploiteuse. Dans les pays par lesquels passent les routes de transit vers les destinations que les réfugiés cherchent à atteindre, des actions de solidarité et de soutien de la part des populations se sont développées amplement: cela a été le cas de l’Autriche, et même de la Hongrie, où pourtant l’extrême droite progresse depuis des années. Il y a une tradition de solidarité dans de nombreux pays européens, résultat de l’expérience de l’époque de crises, de guerres et de révolutions, ainsi que de « l’internationalisme prolétarien » du début du XXe siècle lorsque parmi les travailleurs européens existait un puissant courant de sympathie, voire d’adhésion aux  idées socialistes.

Cela contraste avec la campagne du gouvernement PS et de la droite et de l’extrême droite, qui formulent des affirmations tendancieuses, qui prétendent qu’il n’y a pas d’argent pour acueillir les immigrés, que « l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde »[1], et que le peuple français rejette les immigrants. Pourtant il y de l’argent dans les caisses de l’État, des milliards d’euros, bien disponibles quand il s’agit de dépenses militaires, d’envahir des pays[2]. Mais le gouvernement et la droite cherchent à justifier leurs attaques incessantes contre les régulations qui protègent encore un tant soit peu les conditions de vie des travailleurs français. C’est pourquoi ils s’efforcent de faire apparaitre les immigrés ainsi que les chômeurs, les vieux ou les conquêtes des travailleurs en général,  comme responsables de la crise économique provoquée en réalité par les mécanismes de la recherche de profit inhérents au système capitaliste. Une grande partie des refugiés refusent de venir en France, ils savent que le gouvernement PS refuse de régulariser même ceux qui ont des maladies graves : les femmes isolées par exemple, doivent prouver qu’elles risquent des violences pour avoir le droit d’asile.

Dans le contexte actuel, les dirigeants de la bourgeoisie tentent d’instaurer une distinction entre les immigrants: il y aurait les réfugiés de guerre, qui pourraient être reçus, et des immigrants économiques à la recherche du « luxe européen ». Parmi les réfugiés de guerre et ceux qui fuient la misère il peut y avoir une différence de degré, mais pas de nature. Tous sont victimes du même système néolibéral globalisé, qui provoque des catastrophes partout. Même à l’intérieur de pays comme la Colombie, des milliers de personnes sont déplacées sous l’effet de la violence exercée par les propriétaires fonciers, appuyés par le gouvernement et soutenus par l’impérialisme des Etats-Unis.

Ce n’est pas exclusivement l’image insupportable d’Aylan Kurdi, l’enfant noyé, qui a sensibilisé la société. Dès cet été un impact considérable a été suscité par les évènements successifs, la mort de milliers d’immigrants tentant de traverser la mer Méditerranée, fuyant la misère, poussés à des réactions de désespoir par des situations dont sont responsables précisément les entreprises, les forces économiques dominantes de l’Europe, en Afrique, en Asie, à l’époque de la mondialisation néolibérale. La marée de réfugiés de cet été, la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale, a créé une nouvelle prise de conscience par rapport à la gravité du moment. Cependant, les gens en général ne voient pas de solution, et de fait il n’y a pas de solution possible dans le cadre de l’Europe impérialiste, mal nommée « Communauté Européenne ». Seulement la construction d’une société  vraiment socialiste au minimum à l’échelle européenne permettrait d’envisager une issue future. Certains militants parmi l’extrême gauche disent que « la réponse du mouvement ouvrier n’est pas à la hauteur », mais il faut surtout se demander : qui constitue le mouvement ouvrier? Il faut dire clairement que les bureaucrates syndicaux de la CGT, de SUD, de la CFDT et de la FSU n’ont pas fait grande chose pour exprimer une quelconque solidarité avec les réfugiés, encore moins pour organiser une véritable campagne de soutien.

Mais même face à cette paralysie voulue, la solidarité continue à s’exprimer : les milliers de personnes ayant pris les rues de l’Europe ces dernières semaines ; des militants politiques, syndicaux ou associatifs qui se penchent vers le soutien des réfugiés ; les militantes féministes, LGTB,  qui sont aussi solidaires des immigrés[3]. De nombreux jeunes et moins jeunes, membres de partis comme le NPA, qui a pris l’initiative de la mobilisation du 4 Octobre, et d’autres groupes s’organisent afin de concrétiser leur solidarité et cherchent une réponse collective, en vue d’un avenir meilleur dans une Europe authentiquement humaine, c’est-à-dire véritablement socialiste et débarrassée de toute forme d’oppression.

_____________________________________

[1] Phrase de Rocard, dirigent socialiste historique.

[2] Comme l’expose par exemple cet article de Le Monde : http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/09/23/en-huit-mois-le-gouvernement-a-fait-des-milliards-d-euros-de-promesses_4767797_823448.html

[3] http://www.slate.fr/story/107261/faciliter-accueil-refugies-lgbt.

Par Flora Kessler, le 29/09/15

Categoría: Français