La justice française: justice patriarcale contre les femmes victimes de violence, justice anti-ouvrière contre les salariés qui luttent
Le samedi 23 janvier nous avons été nombreuses (quelques hommes également) et décidées à manifester pour la liberté de Jacqueline Sauvage comme le 12 décembre dernier sur la place du Chatelet. Cette fois-ci nous nous sommes rassemblées à la Bastille pour exiger la mise en liberté de Jacqueline Sauvage. Ces manifestations ont été suivies par la presse qui a relayé l’exigence d’annulation de la condamnation. Des slogans ont exprimé notre colère: « Femme battue, justice complice ! », « Nous sommes Jacqueline Sauvage », « Quand la justice matraque, les femmes contre-attaquent ».
Combien de femmes sont victimes d’un bourreau ‑ en la personne d’un mari, un père, un patron, qui les agresse, viole, blesse physiquement et psychologiquement ‑ et se trouvent pourtant dans l’impossibilité de porter plainte? Beaucoup de ces femmes savent d’ailleurs qu’appeler la justice au secours ne les servira pas à grand-chose, qu’on ne peut pas faire confiance à cette justice parce qu’étant patriarcale, elle ne cherche pas à changer la situation des femmes. Le principe hypocrite de « l’égalité » de droits entre la femme et son agresseur sert à protéger les plus forts et puissants : les hommes violents. Jacqueline Sauvage est une de ces femmes, nombreuses en France et dans le monde. Elle a été condamnée à dix ans de prison pour avoir tué son mari. Il avait physiquement abusé d’elle depuis 47 ans. Deux de ses filles ont été violées par lui. Le fils a été amené à se suicider à cause de la violence paternelle. Au bout de 47 ans de violences subies, Jacqueline Sauvage a franchi le pas vers l’acte libérateur: elle a tué son bourreau. Verdict de l’appareil judiciaire, élément primordial de l’appareil d’état: elle est condamnée à dix ans de prison ferme.
Faisant abstraction des situations de maltraitance, telle que la subissait Jacqueline, le droit français ne considère pas son acte comme une expression de légitime défense, puisqu’elle s’était munie délibérément d’une arme. Cette condamnation a provoqué de la colère parmi nous, les féministes. Jacqueline doit être mise en liberté: c’est elle la victime. Les voisins de même que les médecins pourront l’attester, «tout le monde savait»[1].
Le recours indispensable ne pourra pas venir d’avocats, seule la mobilisation dans la rue peut sensibiliser les médias et faire pression sur la justice et le gouvernement; la demande de grâce adressée à François Hollande est restée jusqu’ici sans réponse. Du point de vue du mouvement féministe en France, cette mobilisation est nécessaire aussi parce des milliers de femmes sont frappées de déni de justice. De nombreuses jeunes se mobilisent pour Jacqueline, en dehors du contrôle des organisations de féministes institutionnelles. C’est un symptôme de la restructuration d’un mouvement autonome de femmes en France. Nous continuerons la pression pour sauver Jacqueline.
Comme Jacqueline Sauvage, des salariés en lutte tels que ceux de Goodyear, se trouvent en prison ou menacés d’emprisonnement ! Merci qui ? A la justice patriarcale, raciste, capitaliste qui défend le système de domination sous tous ses aspects.
Par Flora Kessler, le 24/01/15