Le PMDB abandonne le gouvernement
Le vice-président Temer se met ouvertement mise au service de l’offensive réactionnaire
Non à l’offensive réactionnaire de l’impeachment et non à l’ajustement contre les travailleurs de la part de Dilma.
Il est nécessaire d’unifier la gauche socialiste afin de mobiliser les travailleurs et les jeunes, pour une issue dans laquelle le peuple ait une voix. À cet égard, nous soutenons la création d’une Assemblée Constituante Démocratique et Souveraine imposée par la mobilisation des masses.
Le mardi 29 septembre, lors d’une cérémonie qui n’a duré que cinq minutes, a eu lieu le départ officiel du PMDB (Parti du Mouvement Démocratique Brésilien) de la direction du gouvernement, ce qui signifie un nouveau pas dans la stratégie de destitution de Rousseff comme issue bourgeoise à la crise. Cependant, Dilma et le PT montrent encore une capacité de réaction, parce qu’ils ont l’appareil de l’État et le contrôle des plus grandes organisations de masses du pays, rendant incertain l’issue de la crise.
Depuis la sortie « officielle » du PMDB du gouvernement, la plupart de l’action politique de Dilma s’articule autour de l’unité contre sa destitution et la nomination de nouveaux « alliés » pour essayer d’assurer les 170 voix dont elle a besoin pour rejeter la mise en place du jugement politique (impeachment) dans la Chambre des Députés avec date approximative prévue pour le 17 avril. Dans ce sens, l’appareil gouvernemental est utilisé pour « acheter » des voix contre l’impeachment parmi les partis qui concentrent le plus arriéré de la représentation politique de la classe dirigeante, la pire racaille des politiciens bourgeoise, en offrant d’importants ministères pour le PP (Parti Progressiste) et le PR (Parti Républicain), deux partis de droite.
Le gouvernement à travers du discours que l’offensive politique de droite (matérialisée dans le processus d’impeachment) est un « coup à la démocratie » a été capable de mobiliser un nombre raisonnable des défenseurs grâce à des syndicats et des mouvements populaires dans les rues. Les manifestations dans toutes les capitales du pays, du 31 mars passé, ont mobilisé plus de 700 000 personnes, selon les organisateurs, ou 140 000, selon la Police Militaire. Quoi qu’il en soit, c’est un nombre important, montrant que, bien qu’elles soient plus petitse que les manifestations de l’opposition de la droite, le gouvernement a aussi une base sociale.
Du point de vue du sens d’un grand nombre de travailleurs, ces manifestations ne les représentent pas et elles ne sont pas suffisantes pour résister à l’offensive réactionnaire de la bourgeoisie. Le gouvernement de Dilma est un gouvernement bourgeois atypique et ce fait met des limites à son action, mais si le PT, Lula et les dirigeants de la bureaucratie syndicale et mouvements populaires n’étaient pas tellement à droite serait possible prendre des mesures populaires qui mobiliseraient massivement des travailleurs pour défendre le gouvernement. Mais au lieu de prendre des mesures populaires qui pourraient mettre une partie importante des travailleurs et le peuple de leur côté, créant ainsi les conditions matérielles pour une résistance efficace contre l’opposition bourgeoise, dans le cadre de la montée du chômage, la baisse de salaires et la précarisation du travail, le gouvernement mène des politiques contre les intérêts des travailleurs et leurs organisations indépendantes: les coupes du Budget et l’adoption de la loi antiterroriste en sont quelques exemples.
L’impeachment est une issue réactionnaire
La sortie du PMDB de la base du pouvoir du gouvernement est un mouvement qui vise à matérialiser une coalition politique à travers la figure de Michel Temer (vice-président et successeur naturel de Dilma) qui a comme programme de surmonter la crise économique grâce à un plan économique réactionnaire: la privatisation de l’État et le SUS (système de santé unique), l’externalisation et la précarisation généralisée des contrats de travail, la contre-réforme de l’État providence et ainsi de suite.
Mais dans un gouvernement Temer, avec le soutien d’Aécio Neves (PSDB), la paix sociale nécessaire pour assurer l’imposition de ce projet régressif n’est pas garantie, parce que renverser Dilma c’est une chose, et imposer toutes les mesures réactionnaires que ce pacte régressif est appelé à mener en est une autre.
La réalisation de l’offensive réactionnaire par le biais de l’impeachment conduirait à un nouveau pacte politique qui aura comme principaux acteurs les partis et les dirigeants bourgeois qui sont aussi ou encore plus responsables et bénéficiaires des schémas de corruption qui sont en train d’être imputés aux dirigeants du PT. Après une possible mise en place de l’impeachment, le processus de destitution de la formule présidentielle Dilma-Temer par le TSE (Tribunal électoral suprême) sera alimenté chaque jour par un éventail dynamique et riche d’évènements qui remettra en question la solution définitive de la crise par le biais d’un impeachment et d’un gouvernement Temer.
D’autre part, l’offensive réactionnaire est conjoncturel, car il n’y a pas eu lieu une défaite historique ou un ensemble de défaites fragmentaires qui auraient fait que la situation politique revienne au rapport des forces qui existait dans les années antérieures à juin 2013. Par conséquent, l’hypothèse qui reste est que si la chute du gouvernement de Dilma a lieu, le nouveau gouvernement devra faire face à un mouvement social capable de polariser la réalité politique, une preuve indirecte et déformée de cela sont les manifestations dirigées par la bureaucratie pro-PT « contre le coup d’État. »
Le grand problème est que tant que les travailleurs et la grande majorité du peuple ne soient pas appelés à participer directement le résultat de cette crise ne sera pas favorable. Les manifestations contre ou en faveur du gouvernement sont énormes, mais elles sont loin de représenter la volonté et les besoins des travailleurs. Dans une crise où il y a une remise en cause de toutes les institutions de la démocratie et les partis bourgeois, la résoudre sans la participation populaire est un crime qui peut être au service des secteurs conservateurs et réactionnaires. Par conséquent, la construction d’une issue des travailleurs passe par la participation massive dans le processus décisionnel et par la lutte pour une issue où le peuple ouvrier soit appelé à se prononcer. Se battre pour cela n’est pas un luxe politique, mais un devoir fondamental de la gauche socialiste révolutionnaire si elle ne veut pas que son action se cantonne à l’horizon étroit des institutions bourgeoises.
La gauche entre le « coup d’Etat » et «Dilma dehors ! »
Un des éléments les plus dramatiques de la situation politique est que la classe ouvrière n’est pas rentrée en scène de façon indépendante des patrons et du gouvernement, ce scénario fait que l’avenir du pays se décide dans les limites des institutions pourries et sous le strict champ des intérêts de la bourgeoisie. Avec Dilma, Temer ou Aécio au pouvoir, la classe dirigeante continuera à exercer sa domination, sauf si un renversement complet de la situation se produit à travers la lutte des travailleurs dans l’arène politique, et elle fera payer aux exploités et aux opprimés le coût de la crise.
Il existe un grand éventail de positions dans la gauche qui varient dans leur degré d’indépendance de classe face au gouvernement, mais globalement la gauche socialiste se débat surtout entre deux perspectives problématiques: 1) celle qui ne tient pas compte de la politique offensive réactionnaire (position du PSTU et de certains regroupements de gauche à l’intérieur du PSOL) 2) celle qui affirme qu’on serait face à un « coup contre la démocratie » (position majoritaire au sein du PSOL).
La première perspective de la gauche socialiste que nous avons mentionnée, ne considère pas que la chute d’un gouvernement de conciliation des classes et l’ascension ultérieure d’un gouvernement néo-libéral est un élément clé d’une feuille de route qui nous conduira, si la classe ouvrière et la jeunesse combative n’entrent pas en scène dans un « nouveau Juin », à une situation de recul structurel (politique, économique et social).
C’est exactement l’orientation de la politique de la CSP-Conlutas (dirigé par le PSTU et le «Dehors tous»). Cette position ne tient pas compte des médiations fondamentales de la situation politique actuelle: 1) les mouvements de masses « Dehors Dilma » ont une orientation claire vers la droite et 2) entre un gouvernement bourgeois typique et un gouvernement de conciliation des classes, au-delà du fait qu’ils n’auront jamais notre soutien politique, il y a des différences importantes. Cette position du PSTU mène à ce que que ces secteurs soient absorbés par l’orbite politique de l’opposition de droite.
Ce type de politique qui ignore absolument l’offensive réactionnaire ne peut pas mobiliser des secteurs des masses, comme le montre la manifestation du 1 avril[1], parce qu’elle ne dialogue pas avec le sentiment évident qu’il est nécessaire de lutter contre les ajustements de Dilma, mais qu’un gouvernement Temer/ Aécio serait encore plus défavorable pour les travailleurs.
La deuxième position de la gauche socialiste se confond avec le récit du gouvernement qui soutient que le processus d’impeachment est un « coup contre la démocratie ». un discours qui n’est rien de plus qu’un discous idéologique et conservateur du gouvernement pour nourrir politiquement les appareils syndicaux, populaires et étudiants qui soutiennent Dilma. La qualification de « coup d’Etat » ne correspond pas à la réalité, nous ne sommes pas face à une rupture avec le régime démocratique bourgeois impulsé par un secteur de l’armée, ou même face à un « coup institutionnelle » qui signifie une rupture quelconque avec la légalité bourgeoise.
Nous sommes plutôt fae à une offensive politique réactionnaire de l’opposition bourgeoise qui s’appuie sur le soutien d’une partie importante du Congrès, de l’appareil de la justice et d’un mouvement de masses de droite. Une offensive politique qui a pour but stratégique d’établir un gouvernement bourgeois typique pour normaliser la situation politique. De sa part, Dilma, même face à la perspective de tomber dans l’abîme n’est pas capable de faire un geste politique dans le sens d’essayer de mobiliser la classe ouvrière en faveur de son gouvernement, comme l’ont fait les gouvernements de conciliation des classes dans le passé ; au contraire, elle applique de manière disciplinée le programme économique et politique du capital. Clairement, ce gouvernement veut également que la situation politique revienne à la normalité afin que les travailleurs et les jeunes combatifs soient pacifiés.
Dans ce contexte, dénoncer l’impeachment comme un élément clé de l’offensive réactionnaire ne doit pas mener à soutenir Dilma politiquement. La gauche socialiste révolutionnaire doit présenter d’une manière unifiée, une proposition d’issue des travailleurs, sinon nous ne pourrons pas construire un champ massif d’indépendance de classe à partir duquel résister à la crise brutale qui se déroule et à la perspective des années à venir qui seront plus dures , avec un rapport de forces totalement défavorable si l’offensive réactionnaire actuelle réussit.
En disant que nous sommes dans une situation de « coup d’Etat », alors que ce n’est pas la vrai dynamique des événements, la politique de beaucoup de secteurs honnêtes et de classe finit par être absorbée par l’orbite de la politique du gouvernement. De la caractérisation que nous sommes dans une situation de « coup d’Etat contre la démocratie » (ce qui demanderait un front uni tactique avec le gouvernement contre ce coup d’État si cette caractérisation était correcte) suit nécessairement la tâche de faire reculer la « menace contre la démocratie ». Toutefois, commecette caractérisation est erronée, elle fait que la tâche centrale d’aujourd’hui (construire une issue politique propre des travailleurs) soit complètement mise de côté par ces secteurs, qui ne contribuent pas à la nécessité d’unifier la gauche socialiste révolutionnaire pour disputer contre la bureaucratie la direction politique des travailleurs organisés et qui aujourd’hui défendent le gouvernement face à la possibilité d’un impeachment.
Un Front de la Gauche pour unifier la lutte
Dans le champ de la gauche socialiste révolutionnaire certains courants, dont nous à Socialisme ou Barbarie, affirment la nécessité de construire un Front de la Gauche Socialiste dans la lutte et dans les élections. Dans un scénario de polarisation entre le gouvernement et l’opposition de droite, la politique de l’indépendance de risque d’être invisibilisée par la politique des meetings et des rassemblements « contre le coup d’Etat », par le contrôle prédominant du gouvernement et par les actes de « Dehors Dilma » qui rassemblent une masse incontestablement de droite.
La nécessité d’un Front de la Gauche Socialiste qui se construise sans fausses hégémonies (comme a eu toujours envie d’imposer la direction du PSTU) devient plus nécessaire que jamais du fait de l’absence de politique indépendante qui prévaut au sein de la CSP-Conlutas. Il est nécessaire – et possible – de commencer la construction d’un Front de la Gauche Socialiste pour organiser les partis socialistes révolutionnaires et tous les syndicats, les mouvements populaires et des étudiants indépendants, pour développer des idées et des tactiques qui nous permettront d’impulser parmi les travailleurs et les jeunes la lutte pour une politique de classe.
C’est la tâche essentielle que les organisations qui ont un poids dans l’avant-garde militante (notamment le PSOL et le PSTU) doivent prendre en charge immédiatement, si on ne veut pas rater complètement l’opportunité de construire un troisième champ des secteurs des masses, condition fondamentale pour que la polarisation entre le gouvernement et l’opposition réactionnaire puisse être rompue. Mais nous pensons que la lutte contre l’offensive réactionnaire, contre les ajustements néolibéraux réactionnaires et la construction d’un Front de la Gauche Socialiste ne sont qu’une partie d’une politique qui vise à surmonter la polarisation entre le gouvernement et l’opposition bourgeoise.
Contre l’offensive réactionnaire: Assemblée Constituante, Démocratique et Souveraine
Pour nous, la proposition de « Élections générales », présentée par de nombreux secteurs du PSOL et par le PSTU, ne fait que se cantonner au système politique actuel et ne tient pas compte de la nécessité d’énormes réformes démocratiques dans tous les domaines de la vie nationale. D’autre part, une issue comme le « gouvernement des travailleurs avec l’appui des conseils populaires », tel que proposé par le PSTU, est en ce moment une abstraction absolue, parce qu’elle ne s’appuie pas sur le seul élément de la dynamique réelle d’aujourd’hui qu’est la mobilisation des travailleurs ni dialogue avec des éléments de la conscience actuelle.
Toutefois, il faut ne pas être pris au piège entre le gouvernement et l’opposition de droite : il faut défendre une issue politique propre des travailleurs. Nous avons vu comment l’absence d’une la politique globale mène à ce que des secteurs indépendants finissent dans l’orbite du gouvernement ou de l’opposition bourgeoise, et cette absence est de plus en plus grave face à la chute probable du gouvernement de Rousseff et l’hypothèse d’un gouvernement Temer / Aécio.
Nous avons donc insisté sur la nécessité, étant donnée la corrélation actuelle de forces, de défendre la construction d’une Assemblée Constituante Démocratique et Souveraine, imposée par la mobilisation. Cette proposition est souvent mal comprise, parce que dans notre pays, il y a une tradition que la masse des travailleurs, depuis le processus de l’indépendance nationale et la Constitution de la République, a toujours été expulsé de la transformation politique, et les processus de rébellion dans laquelle les masses ont participé ont été vaincus ou leurs victoires (par exemple le cas de la lutte contre l’esclavage) furent déformées par l’historiographie officielle.
Dans notre pays, il est nécessaire de mettre en avant les réformes démocratiques comme des tâches essentielles du mouvement. Pour ceux qui nourrissent des préjugés dans le sens que les socialistes révolutionnaires ne posent pas de questions démocratiques, nous rappelons que notre tradition a toujours lutté de manière conséquente de slogans démocratiques, en fait, c’est la grande différence avec les réformistes qui prennent les questions démocratiques seulement les jours fériés.
En plus des énormes revendications démocratiques à conquérir, nous nous trouvons dans une situation dans laquelle l’offensive bourgeoise menace les dernières conquêtes et les conditions immédiates d’existence. Cependant, cette situation se produit dans un context de crise profonde qui affecte toutes les forces politiques mais les travailleurs ne sont pas vaincus et sont capables avec leur mobilisation de changer le cours des évènements et d’être protagonistes de la construction d’une politique indépendante du gouvernement et de l’opposition bourgeoise. Une alternative politique qui puisse unifier les travailleurs de la ville et de la campagne, la lutte des femmes, des noirs, des jeunes, des LGBTI dans tout le pays, passe par une défense intransigeante des revendications démocratiques qui ne peuvent être conquises que grâce à un processus de masses qui lutte pour une Assemblée Constituante Démocratique et Souverain qui représente toutes les revendications démocratiques anciennes et nouvelles.
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[1] Les manifestations appelées par l’Espace d’Unité d’Action (CSP-Conlutas et la « CUT Pode Mais », littéralement « La CUT peut faire plus », courant d’opposition dans la CUT) le 1 avril ont été un bon exemple de la nécessité d’une réflexion au sein de la gauche socialiste. Cette date aurait pu marquer fortement le début d’un processus de construction effective d’un pôle de classe indépendant, mais elle n’a pas réussi à mobiliser massivement. Cela ne veut ne pas dire que la gauche socialiste ne peut pas mobiliser un plus grand nombre de travailleurs dans un scénario de politisation généralisée, mais pour cela elle devra faire une réévaluation approfondie de son orientation politique.
Antonio Soler, Socialisme ou Barbarie Brésil, le 4 avril 2016