Crise
systémique globale
Le
choc cumulé des trois « vagues scélérates »
de l'été
2009
Par
H–G Fandrich
GEAB, Spécial Eté 2009
N°36, 16/06/09
GlobalEurope Anticipation Bulletin [*]
Comme
anticipé par LEAP/E2020 dès Octobre 2008, à la veille de
l'été 2009, la question de la capacité des Etats–Unis
et du Royaume–Uni à financer leurs déficits publics désormais
incontrôlés s'est imposée comme la question centrale dans
le débat international, ouvrant de ce fait la voie au
double phénomène d'une cessation de paiement des Etats–Unis
et du Royaume–Uni d'ici la fin de l'été 2009.
Ainsi,
à ce stade de développement de la crise systémique
globale, contrairement au discours médiatique et politique
dominant actuellement, l'équipe de LEAP/E2020 n'envisage
pas du tout de reprise après l'été 2009 (ni d'ailleurs
dans les douze mois à venir) (1). Bien au contraire, du
fait de l'absence de traitement de fond des problèmes à
l'origine de la crise, nous considérons que l'été 2009 va
voir la convergence de trois « vagues scélérates » (2)
particulièrement destructrices qui traduisent la poursuite
de l'aggravation de la crise et vont provoquer des
bouleversements historiques d'ici les mois de Septembre/Octobre
2009. Comme c'est le cas depuis le début de cette crise,
chaque région du monde ne sera bien entendu pas affectée
de la même manière (3) ; mais, pour nos chercheurs, toutes
sans exception connaîtront une forte dégradation de leur
situation d'ici la fin de l'été 2009 (4).
Cette
évolution risque ainsi de prendre à contre–pied nombre
d'opérateurs économiques et financiers tentés par
l'euphorisation médiatique actuelle.
Dans
ce numéro spécial « Eté 2009 » du GEAB, notre équipe
présente bien entendu en détail ces trois vagues
destructrices convergentes et leurs conséquences. Et notre
équipe détaille en conclusion ses recommandations stratégiques
(or, immobilier, bons, actions, devises) pour éviter d'être
emporté par cet été meurtrier.
Durée (en mois) des récessions
US depuis 1900 (durée moyenne : 14,43 mois) –
Sources :
US National Bureau of Economic Research / Trends der Zukunft
Ainsi,
pour LEAP/E2020, loin des « jeunes pousses » (« green
shoots ») aperçues depuis deux mois dans tous les coins de
tableaux statistiques (5) par les médias financiers
internationaux, leurs experts attitrés et les politiciens
qui les écoutent (6), ce sont trois vagues particulièrement
destructrices pour le tissu socio–économique qui vont
converger au cours de l'été 2009, traduisant la poursuite
de l'aggravation de la crise et entraînant des
bouleversements historiques dès la fin de l'été 2009, en
particulier des situations de cessation de paiement des
Etats–Unis et du Royaume–Uni, tous deux au cœur du système
global en crise :
1.
La vague du chômage massif: trois dates d'impact qui
varient selon les pays d'Amérique, d'Europe, d'Asie, du
Moyen–Orient et d'Afrique
2.
La vague déferlante des faillites en série : Entreprises,
banques, immobilier, états, régions, villes
3.
La vague de la crise terminale des Bons du Trésor US, du
Dollar et de la Livre et du retour de l'inflation
Le commerce mondial
s'effondre : Graphique 1 : Evolution annuelle des
exportations de 15 grands pays exportateurs (1991–02/2009)
Graphique 2 : Evolution annuelle des exportations de 15
grands pays
exportateurs entre février 2008 et février
2009.
Ces
trois vagues ne sont en fait pas successives comme ces
vagues scélérates appelées « trois soeurs » pourtant si
destructrices ; elles sont bien plus dangereuses car elles
sont simultanées, asynchrones et non parallèles. De ce
fait, leur impact sur le système mondial est générateur
de dislocation puisqu'elles l'atteignent sous divers angles,
à différentes vitesses, avec des forces variables. La
seule certitude à ce stade, c'est que le système
international n'a jamais été aussi faible et démuni face
à une telle situation : la réforme du FMI et des
institutions de gouvernance mondiale annoncée au G20 de
Londres reste lettre morte (7), le G8 ressemble de plus en
plus à un club moribond dont tout le monde se demande désormais
à quoi il peut bien servir (8), le leadership américain
n'est déjà plus que l'ombre de lui–même qui tente désespérément
de conserver des acheteurs pour ses bons du trésor (9), le
système monétaire mondial est en pleine désintégration
avec les Russes et les Chinois notamment qui accélèrent
leur jeu pour se positionner dans l'après–Dollar, les
entreprises ne voient aucune amélioration à l'horizon et
accroissent leurs licenciements, des états de plus en plus
nombreux vacillent sous le poids de leur dette accumulée
pour « sauver les banques » et devront assumer une déferlante
de faillites dès la fin de l'été (10). A l'image des
banques, d'ailleurs, qui, après avoir soutiré encore une
fois l'argent des épargnants crédules grâce à l'embellie
des marchés financiers orchestrée ces dernières semaines,
vont devoir reconnaître qu'elles sont toujours insolvables
dès la fin de l'été 2009.
Aux
Etats–Unis comme au Royaume–Uni en particulier, l'effort
financier public colossal réalisé en 2008 et début 2009
au seul profit des grandes banques a atteint un tel degré
d'impopularité qu'il était devenu impossible au Printemps
2009 d'envisager de nouvelles infusions de fonds publics au
profit des banques pourtant toujours insolvables (11). Il
est alors devenu impératif d'orchestrer un « beau conte de
fée » pour pousser l'épargnant moyen à injecter ses
propres fonds dans le système financier. A coup de « green
shoots », d'indices boursiers poussés vers le haut sans
fondement économique réel et de « remboursements anticipés
de fonds publics », la mise en condition a été effectuée.
Ainsi, pendant que les grands investisseurs des monarchies pétrolières
ou des pays asiatiques (12), profitant de l'aubaine,
sortaient du capital des banques en question, une multitude
de nouveaux petits actionnaires y entraient pleins d'espoir.
Quand ils découvriront que les remboursements de fonds
publics ne sont qu'une goutte d'eau par rapport à ce que
ces mêmes banques ont obtenus en terme d'aide public (notamment
pour garantir leurs actifs toxiques) et que, d'ici trois à
quatre mois au maximum (comme analysé dans ce GEAB N°36),
ces mêmes banques seront à nouveau sur le point de
s'effondrer, ils constateront, impuissants, que leurs
actions ne valent à nouveau plus rien.
Accroissements respectifs du
PNB (en vert) et de la dette US (en rouge)
(en Milliards USD)
– Sources : US Federal Reserve / US Bureau of
Economic
Analysis / Chris Puplava, 2008.
Intoxiqués
par les financiers, les dirigeants politiques de la planète
vont à nouveau avoir la surprise après l'été de découvrir
que tous les problèmes de l'année passée vont resurgir, démultipliés,
car ils n'ont pas été traités, mais juste « enfouis »
sous des masses immenses d'argent public. Une fois cet
argent dilapidé par des banques insolvables, forcées à «
sauver » des concurrents en pire état qu'elles–mêmes,
ou dans des plans de stimulation économique mal conçus,
les problèmes ressortent aggravés. Pour des centaines de
millions d'habitants d'Amérique, d'Europe, d'Asie et
d'Afrique, l'été 2009 va être une terrible transition
vers un appauvrissement durable du fait de la perte de leur
emploi sans perspective d'en retrouver un avant deux, trois
ou quatre années; ou du fait de l'évaporation de leurs économies
placées directement en bourse, dans des fonds de retraite
par capitalisation ou des placements bancaires liés à la
bourse ou libellés en Dollar US ou en Livre britannique; ou
bien du fait de leur investissement dans des entreprises
poussées à attendre désespérément une embellie qui ne
viendra pas avant longtemps.
(*)
La lettre confidentielle de LEAP, Laboratoire
Européen d’Anticipation Politique, Paris.
Notes:
(1)
Pas même de reprise sans emplois («jobless recovery »)
comme essayent de nous le vendre nombre d'experts. Aux Etats-Unis,
au Royaume-Uni, en zone Euro, au Japon, ce sera une reprise
sans reprise (« recoveryless recovery »), une pure
invention destinée à essayer de faire re-consommer des
consommateurs américains ou britanniques insolvables et à
faire patienter le plus longtemps possible les pays
acheteurs de Bons du Trésor US et de Gilts britanniques (avant
qu'ils ne décident qu'il n'y a plus d'avenir pour leurs
produits aux pays du Dollar et de la Livre).
(2)
Les « vagues scélérates » sont des vagues océaniques très
hautes, soudaines et qui étaient considérées comme très
rares, même si aujourd'hui on sait qu'elles apparaissent au
cours de pratiquement toutes les tempêtes d'une certaine
importance. Les « vagues scélérates » peuvent atteindre
des hauteurs de crête à creux de plus de 30 mètres et des
pressions phénoménales. Ainsi, une vague normale de 3 mètres
de haut exerce une pression de 6 tonnes/m². Une vague de
tempête de 10 mètres de haut peut exercer une pression de
12 tonnes/m². Une vague scélérate de 30 mètres de haut
peut exercer une pression allant jusqu'à 100 tonnes/m². Or,
aucun navire n'est conçu pour résister à une telle
pression. Il existe aussi le phénomène des « trois sœurs
». Il s'agit de trois « vagues scélérates » successives
et d'autant plus dangereuses, car un bateau qui aurait eu le
temps de réagir correctement aux deux premières, n'aurait
en aucun cas les possibilités de se remettre dans une
position favorable pour affronter la troisième. Selon LEAP/E2020,
c'est à un phénomène de ce type que le monde va être
confronté cet été ; et aucun état (navire) n'est en
position favorable pour les affronter, même si certains
sont plus en danger que d'autres comme l'anticipe ce GEAB N°36.
(3)
LEAP/E2020 considère que ses anticipations sur l'évolution
socio-économique des différentes régions du monde publiées
dans le GEAB N°28 (15/10/2008) sont toujours pertinentes.
(4)
Ou, plus exactement, dans chacune des régions, la dégradation
de la situation ne pourra plus être masquée par des
artifices médiatiques et boursiers.
(5)
Il sera d'ailleurs intéressant, en matière de statistiques
économiques américaines, de suivre les conséquences de la
révision par le Bureau of Economic Analysis des
classifications et processus de calcul qui interviendra le
31/07/2009. En général, ce type de révisions a pour résultat
de rendre plus complexe les comparaisons historiques et de
modifier dans un sens favorable les statistiques
importantes. Il suffit pour s'en rendre compte de constater
comment les révisions précédentes ont permis de diminuer
par 3 en moyenne le niveau d'inflation mesuré. Source :
MWHodges, 04/2008.
(6)Les
lecteurs du GEAB n'auront pas manqué de constater que ce
sont exactement les mêmes personnes, médias et
institutions qui, il y a 3 ans, trouvaient que tout allait
pour le mieux dans le meilleur des mondes ; il y a 2 ans,
qu'il n'y avait aucun risque de crise grave ; et il y a un
an, que la crise était sous contrôle. Donc des avis d'une
très grande fiabilité !
(7)
Sauf au niveau régional, où chaque entité politique
s'organise à sa manière. Ainsi, profitant de l'effacement
politique du Royaume-Uni englué dans la crise financière,
la crise économique et la crise politique, l'UE est en
train de mettre la City londonienne sous tutelle (source :
Telegraph, 11/06/2009). L'été 2009 risque ainsi de mettre
fin à 300 ans d'histoire d'une City toute puissante au cœur
du pouvoir britannique. A ce sujet, il faut lire le très
instructif article de George Monbiot dans The Guardian du
08/06/2009 et surtout prendre le temps de lire le brillant
essai de John Lanchester publié dans la London Review of
Books du 28/05/2009 et intitulé « It's finished ».
(8)
D'ailleurs qui se soucie encore des déclarations finales
des G8, comme celle du G8 Finance du 13/06/2009 (source :
Forbes, 13/06/2009), à un moment où chacun agit en fait de
son côté : Américains d'un côté, Canadiens et Européens
de l'autre, Britanniques et Japonais au milieu, tandis que
les Russes jouent un jeu différent ?
(9)
La mésaventure arrivée au Secrétaire d'Etat au Trésor américain,
Timothy Geithner lors de son récent discours aux étudiants
en économie de l'université de Shanghai est à ce titre très
instructive : le public de l'amphithéâtre a éclaté de
rire lorsqu’il s’est mis à expliquer doctement que les
Chinois avaient fait un bon choix en investissant leurs
avoirs en Bons du Trésor et en Dollars US (source :
Examiner/Reuters, 02/06/2009) ! Or il n'est rien de pire
pour un pouvoir établi que de susciter l'ironie ou le
ridicule car la puissance n'est rien sans le respect (de la
part à l'ami autant que de l'adversaire), surtout quand
celui qui se moque est censé être « piégé » par celui
qui est moqué. Cet éclat de rire vaut, selon LEAP/E2020,
de longues démonstrations pour indiquer que la Chine ne
sent pas du tout « piégée » par le Dollar US et que les
autorités chinoises savent désormais exactement à quoi
s'en tenir sur l'évolution du billet vert et des T-Bonds.
Cette scène aurait été impensable il y a seulement douze
mois, peut-être même il y a seulement six mois, d'abord
parce que les Chinois étaient encore dupes, ensuite parce
qu'ils pensaient qu'il fallait continuer à faire croire
qu'ils étaient toujours dupes. Visiblement, à la veille de
l'été 2009, cette préoccupation a disparu : plus besoin
de feindre désormais comme l'indique ce sondage de 23 économistes
chinois publié le jour de l'arrivée de Timothy Geithner à
Pékin qui jugent les actifs américains « risqués » (source
: Xinhuanet, 31/05/2009). Les mois à venir vont résonner
de cet éclat de rire estudiantin…
(10)
Et il n'y a pas qu'aux Etats-Unis que les actionnaires
seront systématiquement lésés par l'état sous prétexte
de l'intérêt collectif supérieur, comme le montrent les
pertes des fonds de pension qui avaient investi dans les
actions de Chrysler ou GM, ou les pressions de la Fed et du
gouvernement US sur Bank of America pour qu'elle cache à
ses actionnaires l'état désastreux de Merrill Lynch au
moment de son rachat. Sources :
OpenSalon, 10/06/2009 / WallStreetJournal, 23/04/2009. Au Royaume-Uni, en Europe et en Asie, les mêmes causes produiront les mêmes
effets. La « raison d'état » est depuis toujours l'excuse
la plus simple pour justifier toutes les spoliations. Et les
crises graves sont propices pour invoquer la « raison d'état
».
(11)
En Allemagne, un problème similaire se pose du fait de l'élection
nationale de Septembre prochain. Après l'élection, les
problèmes bancaires du pays feront la une des médias, avec
plusieurs centaines de milliards d'actifs à risque dans les
bilans des banques notamment régionales. On est loin de
l'ampleur des problèmes des banques US ou britanniques,
mais Berlin va sans aucun doute devoir faire face à des
faillites potentielles. Source : AFP/Google, 25/04/2009. Et
aux Etats-Unis, les banques aidées par l’état fédéral
ont tout simplement diminué leurs prêts à l’économie
alors qu’elles étaient censées faire le contraire. Source
: CNNMoney, 15/06/2009
(12) Sources :
Financial Times, 01/06/2009; YahooFinance, 04/06/2009;
StreetInsider+Holdings/4656921.html , 15/05/2009; Financial
Times, 01/06/2009
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